Pourquoi la RD Congo 🇨🇩, le Rwanda 🇷🇼, le Burundi 🇧🇮 et l’Ouganda 🇺🇬 sont-ils engagés dans une guerre permanente dans l’Est du Congo ?
- Gédeon Mugisho
- 4 days ago
- 3 min read
Depuis 1994, ces États naviguent entre alliances changeantes et rivalités régionales, avec un point commun : le contrôle et le pillage systématique des ressources minières de l’Est de la RDC. Mais leur implication obéit à des logiques différentes.
1. Le rôle central du Rwanda : l’architecte de l’instabilité
Tout part du conflit rwandais entre 1990 et 1994. Le FPR, soutenu par l’Ouganda, les États-Unis et le Royaume-Uni, renverse le gouvernement hutu pendant le génocide et place Paul Kagame au pouvoir.
Dès lors, Kigali devient la tête de pont anglo-saxonne dans la région : financement, armements, influence stratégique. Via ce relais, Washington encourage la chute de Mobutu en 1997.
Le Rwanda justifie depuis trente ans ses incursions en RDC par la présence des FDLR (opposants hutus), un prétexte devenu un outil diplomatique pour intervenir en toute impunité.
1997 : le Rwanda joue le rôle moteur dans la chute de Mobutu.
1998–2003 : la deuxième guerre du Congo déchire le pays en trois zones d’occupation.
Après 2003 : Kigali maintient une influence via des groupes armés tutsis, d’abord le CNDP, puis le M23.
Depuis 2021 : le Rwanda ne se cache plus.
Le soutien a franchi un cap :
encadrement direct,
formation,
commandement,
assistance technologique (drones, défense antiaérienne, artillerie),
déploiement de troupes régulières rwandaises sur le terrain.
Politiquement, le M23 prétend garder une autonomie. Militairement, il est un bras armé de Kigali.
La zone qu’il contrôle est, de facto, une zone d’occupation rwandaise.
2. L’Ouganda 🇺🇬 : un acteur plus discret, mais profondément impliqué
L’Ouganda entretient un lien historique avec le FPR : Kagame a participé à la guérilla qui porta Museveni au pouvoir dans les années 80.
C’est la colonne vertébrale de l’axe Washington–Kampala–Kigali.
Kampala a participé à la chute de Mobutu, puis s’est battu contre le Rwanda durant la seconde guerre du Congo. Les relations sont restées froides pendant près de vingt ans.
Mais les intérêts ne disparaissent jamais :
2021 : l’Ouganda relance un projet routier stratégique Bunagana–Goma, en pleine zone d’influence rwandaise.
Kigali réactive le M23 pour bloquer le rapprochement RDC–Ouganda, puis se réconcilie avec Kampala.
Aujourd’hui, l’Ouganda offre au M23 :
un corridor de passage,
un soutien tacite,
un pacte de non-agression,
et probablement un appui logistique ou militaire.
Kampala protège surtout sa zone d’influence en Ituri.
Lorsque le M23 a avancé vers Lubero et Butembo, l’armée ougandaise a pris des positions défensives pour empêcher sa progression.
Officiellement, l’Ouganda est en RDC pour combattre les ADF.
En réalité, il mène ses propres opérations, protège ses intérêts, et entre parfois en confrontation avec des milices pro-FARDC.
3. Le Burundi 🇧🇮 : l’allié fragile mais le plus engagé aux côtés des FARDC
Le Burundi, menacé par l’avancée du M23, a déployé jusqu’à 20 000 soldats en RDC depuis 2022–2023.
La poussée du M23 vers Uvira touche directement la zone d’influence burundaise, à quelques kilomètres de Bujumbura.
Les combats se concentrent autour de Luvungi, près du tripoint RDC–Rwanda–Burundi.
Le Burundi reste le seul véritable allié militaire de la RDC déployant des forces significatives.
C’est ce qui rend la bataille d’Uvira décisive : si elle tombe, la chute des deux capitales provinciales Goma et Bukavu pourrait se répéter.
4. La RDC 🇨🇩 : un État affaibli, pris en étau
Face à ces trois puissances régionales, la RDC est minée par :
une faiblesse institutionnelle chronique,
une corruption généralisée,
des rivalités internes entre FARDC, wazalendo et groupes alliés,
un déficit d’alliés fiables.
Les accords diplomatiques (Nairobi, Luanda, Washington) n’ont produit aucun effet.
Le M23 continue d’avancer, renforcé par l’apport massif de troupes RDF.
La feuille de route de Doha est morte-née.
Si Uvira s’effondre :
politiquement, ce serait un choc majeur ;
militairement, cela ouvrirait la voie à un corridor stratégique jusqu’au lac Tanganyika ;
économiquement, ce serait un nouveau levier d’enrichissement pour le M23 et ses parrains.
Comme lors de la prise de Goma et Bukavu il y a un an, le M23 profiterait de :
la capture de matériel lourd,
le contrôle de mines stratégiques,
un recrutement massif,
et un renforcement financier inédit.
Conclusion : une guerre dont l’économie est le moteur
Derrière les discours sécuritaires, tout converge vers une évidence :
Cette guerre est avant tout économique.
Elle oppose quatre États pour le contrôle des minerais les plus stratégiques au monde — coltan, cassitérite, or, terres rares — dans la région la plus riche et la moins protégée du continent.
Rwanda, Ouganda et Burundi jouent chacun leur partition, mais c’est Kigali qui orchestre la dynamique militaire actuelle via le M23.
Tant que la RDC restera divisée, infiltrée, affaiblie et diplomatiquement isolée, l’Est continuera de servir de champ de bataille régional et de coffre-fort pillé.

